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Vie de Maria Wutz, le joyeux petit maître d’école d’Auenthal : un titre en forme de clin d’oeil qui veut tenir le lecteur pressé à distance. On trouvera dans le livre de Jean Paul une suite de tableaux poétiques évoquant les moments essentiels de la vie humaine, l’enfance, l’amour, la mort, mêlés à des aperçus satiriques sur l’état des institutions, notamment scolaires, au cours de ce qui fut pour la pensée des Lumières, particulièrement en Allemagne, le premier temps de la désillusion. On y verra un manuel de survie en milieu hostile, avatar moderne des morales antiques. En suivant les jeux vertigineux d’une vie rétrospective (devenu vieux, Wutz pratique une étonnante économie du souvenir) et d’une écriture prospective (le narrateur projette sa propre vie en écrivant celle de son personnage), on découvrira le principe qui est à la racine même de l’art jean-paulien : écrire l’écart entre rêve et réalité, entre sublime et dérisoire, faire incessamment varier la perspective pour capter alternativement l’infiniment grand et l’infiniment petit. Certains percevront aussi cette idylle décalée comme un envers grotesque des spéculations de la philosophie idéaliste allemande contemporaine, un récit où le cocasse et l’humour procèdent d’une métaphysique, enfin une expérience de lecture qui non seulement clive, mais déstabilise et fascine à la fois. Le futur auteur de Titan a publié la Vie de Wutz en 1793. Elle figurera dès le XIXe siècle dans toutes les anthologies de prose allemande, recevant ainsi une manière de prix posthume du premier roman….
Editions Demopolis Paris
Préface : Geneviève Espagne
124 pages, 16 €
http://www.demopolis.fr/livre.php?Clef=90