Art, enfance, politique 

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Call for papers : Art, enfance, politique. Colloque organise les 14 et 15 novembre 2024 au Colle ge des Bernardins.

Les enfants ont une appre hension principalement esthe tique de la re alite . Avant l’a ge dit de raison, avant celui de la responsabilite sociale et e thique, l’enfance est le temps de la vie affective dominante, de la constitution d’une me moire a partir des phe nome nes sensibles, par le signalement gradue des plaisirs et des frayeurs, des appe tits et des re pulsions. Cette me moire, propre a chaque enfant, façonne la manie re qu’il aura de se rapporter aux autres et au monde. Elle ne sera jamais fondamentalement modifie e, me me si les apprentissages symboliques et moraux ulte rieurs en estompent ou en refoulent les effets visibles. 

Il est de fait significatif que les artistes, a partir du de but du 20e sie cle, aient e te nombreux a rede couvrir comme source majeure d’inspiration la re miniscence de l’enfance, et a trouver en celle-ci la matie re aussi bien que la me thode de leur que te de nouveaute et de radicalite , de leur ambition de ve rite . 

Observer sous cet angle l’art moderne et contemporain, tout comme revisiter la dimension foncie rement esthe tique du regard propre a l’enfance, en comprendre la polarite ne cessairement politique, tel est l’enjeu de ce colloque qui re unira artistes, historiens de l’art et philosophes. 

Ce colloque prolonge un se minaire organise entre avril 2023 et juin 2024 au Colle ge des Bernardins a Paris et vise a relancer les questions rencontre es dans ce cadre, et qui e taient regroupe es autour de trois grands axes de re flexions : la fragilite comme motif, la fragilite comme ope rateur de cre ation et enfin l’horizon politique de la fragilite . Ce sont ces trois ordres de re flexion qui vont pareillement structurer ce colloque, envisage s dans l’horizon de ce mode spe cifique de la fragilite qu’est l’enfance. 

Axe 1 : Le motif de l’enfance 

Si l’enfance est ce moment spe cifique de l’existence ou le pathique prime sur les capacite s a le verbaliser – selon l’e tymologie latine du terme : in fans, qui ne parle pas – le risque est grand, quand l’enfance devient un motif de pense e, qu’elle suscite des discours qui parlent en son nom, comme s’il e tait possible de la rejoindre a la place singulie re qu’elle occupe dans le monde, pour dire mieux ce qu’elle en e prouve et ce qu’elle en perçoit. Car l’enjeu n’est pas tant de dire l’enfance que d’en accueillir le mouvement. Il est moins d’en faire un sujet d’e tude que d’en mesurer le de placement. Ce de placement peut nous ouvrir a un rapport au monde qui accueille des phe nome nes se manifestant sans ordre ni raisons, ou la moindre matie re sensible peut faire l’objet d’une e lection affective, e tre rencontre e de manie re purement transitive. De ce point de vue, il se pourrait qu’il n’y ait pas de diffe rence notable entre la figure de l’enfant et celle de l’artiste, l’un comme l’autre ayant la charge de nous de livrer d’un monde fige dans un ensemble de contraintes, d’usages, de normes et d’outils qui empe chent de le voir simplement surgir. N’est-ce pas l’espace de l’enfance que cherche a retrouver un écrivain comme Thoreau, quand il decide de séjourner deux ans au bord du lac de Walden, dans le refus de tout confort ? Enfantine également n’est-elle pas l’attitude d’un cine aste comme Jonas Mekas, qui, en resonnance avec le texte de Thoreau, dans son film lui aussi intitule Walden (1969), confie a sa came ra Bolex le soin d’attraper et de lui renvoyer de purs percepts, selon une dynamique irruptive ou la moindre silhouette enregistre e devient digne d’e merveillement ? Il est, dans cet ordre, e minemment signifiant que ce film de pre s de trois heures, comme d’autres opus de Jonas Mekas, soit constamment traverse par des visages d’enfants. Bien des signatures artistiques permettraient de montrer que l’enfance comme motif ne peut se rejoindre qu’au lieu me me ouvert par cette enfance. 

Axe 2 : Le chemin de l’enfance 

La question du motif de l’enfance n’est donc pas dissociable de celle de l’enfance comme moyen ou comme chemin pour explorer le monde. L’enjeu n’est pas seulement celui d’un acce s a l’enfance, dont il faudra e valuer dans quelle mesure il est possible ou pas, mais plus fondamentalement celui d’un acce s par l’enfance. Si l’enfant et l’artiste sont deux figures susceptibles de re sonner, n’est-ce pas parce que l’un et l’autre participent de la figure du franc-tireur, restent ouverts a toutes les explorations, et se tiennent a la fois dans une absolue de pendance a l’e gard de l’environnement qui leur donne les moyens – de vivre ou de faire oeuvre – et restent pourtant capables de s’en affranchir inte gralement, sans de lais ni tergiversation, de s qu’il s’agit d’accomplir un mouvement vivant ? Fernand Deligny ne s’y est pas trompe , qui nous invite a penser, a la suite de Rousseau, l’enfance – et plus singulie rement, pour lui, l’enfance autistique – non pas simplement comme un a ge de la vie, transitoire et appele a e tre de passe , mais comme une possibilite d’existence susceptible d’e tre constamment actualise e, par un naufrage heureux, indissociable d’une de couverte du monde environnant. Il s’agit alors de mesurer comment l’enfance peut guider le geste artistique, soit en frayant la voie vers lui – ce qui se passe ne cessairement dans les pratiques artistiques dites d’atelier, parfois mene es avec le jeune public – soit en lui rappelant de quoi il doit se de lester pour se remettre en capacite de rencontrer le monde. C’est la leçon me me de Jean Bazaine qui note, dans Exercice de la peinture : « Ce sont moins les souvenirs de l’enfance que la forme de son ge nie, avec quoi l’homme, au terme de sa vie, peut avoir chance de renouer. Un me me balbutiement de sarme de sarme autour de lui le monde, le fait renaî tre dans sa ve rite me me1. » L’artiste et l’enfant – a qui il faudrait joindre aussi le mystique – sont le visage d’une humanite dont nous attendons encore qu’elle de sarme le monde. 

Axe 3 : Le monde d’une enfance possible 

L’enjeu est finalement de penser les conditions pour qu’une telle enfance, quoi qu’elle ne parle pas, puisse e tre entendue. A quel monde doit-on travailler pour ouvrir des espaces qui cherchent, non plus a se curiser l’enfance et a la prote ger d’elle-me me, comme si sa fragilite lui e tait une menace ou un pe ril, mais au contraire a en libe rer l’exube rance, les e lans et les manifestations ? L’ambition n’est pas d’ausculter ce qui se pratique en termes de politique de l’enfance, mais de regarder si l’artiste et l’enfant ne partagent pas une me me situation politique d’existence, dont les moindres gestes fabriquent, peu ou prou, du commun. N’est-ce pas du reste ce que remarquait Rousseau, quand il soulignait que l’enfant suscite naturellement les relations dont il a besoin pour perse ve rer dans l’existence, la sollicitude qu’il provoque venant pallier son incapacite a trouver par lui-me me les ressources ne cessaires a sa survie ? N’est-ce pas aussi une enfantine fabrique du commun que donne a lire un auteur comme Charles Fourier quand il dresse le tableau des « petites hordes », ces groupes d’enfants qui s’ajustent naturellement les uns aux autres et prennent en charge, par de sir de jeu et gou t pour les petites transgressions, bien des ta ches ne cessaires pour rendre la socie te habitable et que les adultes ne veulent pas assumer ? Il s’agira de conside rer les manie res dont l’enfance enseigne politiquement, et peut nous aider a re fle chir les termes d’une socie te ve ritablement en prise avec le monde qui l’entoure – et dont bien des crises qu’il traverse s’apaiseraient si la perspective e tait enfin ouverte d’un retour a l’enfance. 

Comite d’organisation

  • Jérôme Alexandre 
  • Jean-Baptiste de Beauvais 
  • Rodolphe Olcèse 

Comite scientifique

  • Katharina Bellan (Réalisatrice & Docteure en Etudes cinématographiques et Histoire de l’Université Aix-Marseille) 
  • Pamela Krause (Maî tresse de conférences en Philosophie, Université Saint-Joseph de Beyrouth) 
  • Jean-Philippe Pierron (Professeur de Philosophie, Université de Bourgogne Franche-Comte ) 
  • Michael Pouteyo (Docteur en Philosophie de l’ENS de Lyon) 
  • Camille Prunet (Maî tresse de conférences en Théorie de l’art, Université de Toulouse Jean-Jaure s) 
  • Jacopo Rasmi (Maî tre de conférences en Etudes italiennes et arts visuels, Université Jean Monnet Saint-Etienne) 

Contact : Rodolphe Olce se (

Modalités de soumission 

Les propositions de communication de 3000 signes environ seront accompagne es d’une bre ve notice bio-bibliographique. Elles seront envoye es avant le 31 mai 2024, par e-mail a l’adresse suivante :  

Les notifications d’acception seront communique es avant le 1er juillet.